Logements sociaux passifs : comment dépasser les appréhensions des locataires ? L’exemple de Chantraine

La ville de Chantraine est implantée dans les Vosges, en bordure de la ville d’Epinal. En 2008, la ville décide de réhabiliter la zone d’aménagement concerté (ZAC) de l’Arsenal, ancien dépôt de matériel et d’armes, tombé en grande désuétude depuis la fin de la 2nde Guerre Mondiale.
Il a été décidé que la ZAC s’étendrait sur 16 hectares, et comprendrait à la fois des logements et des services, afin de désenclaver le quartier dans lequel elle se situe. En parallèle de la démolition des bâtiments préexistants, le cahier des charges de la nouvelle ZAC est réalisé.

Nous sommes en 2008 et ce cahier des charges fait figure de pionnier en stipulant que les logements doivent répondre aux critères du BBC (pas encore rendu obligatoire par la RT 2012). Vosgelis, bailleur social de Lorraine, à qui la réalisation des logements est confié, propose d’aller plus loin et de bâtir l’une des résidences au standard passif. C’est le début d’une grande aventure qui se concrétisera 6 ans plus tard.

DU BOIS, POUR UN DÉPHASAGE THERMIQUE INTÉRESSANT

Le bâtiment est à ossature et plancher bois KLH. François Lausecker, architecte du projet, revient sur le choix de ce matériau : «  Il est plus efficient de passer par le bois pour atteindre le standard passif. Le bois offre en effet un déphasage thermique intéressant, et présente une inertie très lente comparé à la maçonnerie« .
L’isolation se compose de fibres de bois et de laines minérales, réparties sur 360 mm d’épaisseur. En toiture, on retrouve ce même alliage, sur 400 mm d’épaisseur. Quant au sol, il est isolé par 220 mm de polyuréthane.
Les menuiseries utilisées sont à triple vitrage et en bois retifié, les portes sont en bois et ces composants sont tous issus de la Menuiserie Claude, implantée dans le territoire de Belfort.
Le confort de cette enveloppe a pu être vérifié pendant les travaux qui se sont effectués durant l’hiver 2014-2015 : les ouvriers ont travaillé sur les finitions intérieures en tee-shirt !

Le chauffage est assuré par une chaudière collective de 34 kW, alimentée par pellets. L’eau chaude sanitaire est produite grâce à cette chaudière collective et un ballon d’ECS a été placé dans chaque logement.
Le besoin de chauffage est de 13 15 kWh/(m².a) et l’étanchéité a été mesurée à n50 = 0,3 h-1.

La résidence Pierre Lhuillier compte au total 18 logements : 9 logements de type 2 (soit 56 m² habitables) et 9 autres de type 3 (soit 69 m² habitables), et ils sont tous traversants.
Elle porte le nom du directeur de l’Office HLM des Vosges, décédé en juin 2014.



APPRIVOISER LA VENTILATION

Pour Vosgelis, il a fallu apprivoiser les critères du passif dans un premier temps. Et qui dit passif dit… ventilation double flux !
Le bailleur social a décidé d’opter pour une ventilation double flux individuelle, dans chacun des 18 logements de la résidence Pierre Lhuillier. Un surinvestissement de la part de Vosgelis, mais un bénéfice dans la qualité de l’air, irréprochable, qui est un aspect important pour les locataires.
Ce type d’installation est également un gage de sécurité et de pérénnité du matériel pour Vosgelis : aucun risque qu’un locataire néophyte en matière de ventilation double flux n’occulte une des bouches de ventilation, comme cela peut être parfois le cas en logement collectif passif.

Cette ventilation individuelle est paramétrée automatiquement et les locataires peuvent « garder la main » sur la puissance du souffle dans la cuisine, afin d’extraire plus ou moins vite l’air vicié pendant ou après la préparation des repas.

Le composant choisi est la ventilation double flux EcoVent KWL EC, 270 W de chez Helios. Elle offre une récupération de chaleur à hauteur de 90 %.

COMBATTRE LES PRÉJUGÉS

Avant la remise des clefs aux locataires, Vosgelis a organisé une réunion d’information sur le passif et l’habitat passif afin de sensibiliser les futurs habitants à leur mode de vie. La première étape a été de leur demander ce qu’ils connaissaient du passif, comment ils envisageaient la vie dans ce type de logement et les toutes premières réactions ont fusé « on ne peut pas ouvrir les fenêtres ! » ou « ça va être étouffant, non ? »
Il a fallu combattre ces préjugés et rassurer les futurs locataires quant à la nature de leur logement. Véronique Thiery, chef de projets chez Vosgelis revient sur ce point : « La crainte première était de ne pas pouvoir ouvrir les fenêtres, un préjugé très tenace sur le passif. Au contraire, nous incitons les locataires à vivre normalement et nous les encourageons à ouvrir les fenêtres. Mais nous les sensibilisons aussi sur leur consommation. Ouvrir les fenêtres en été pour rafraîchir le logement, ça marche mais ouvrir en plein hiver, ça se voit sur les factures« 

Un livret d’informations relatives au logement passif a été distribué aux locataires lors de la remise des clefs. Ce document très complet, revient sur les principes du passif et donne des conseils pour apprivoiser ce type d’habitat.
Conseil sur les branchements de la hotte dans la cuisine, mode d’emploi pour nettoyer soi-même les filtres de la ventilation double flux, recommandations pour le perçage des murs… Tout y est expliqué.
« Nous avons sensibilisé les locataires à l’enveloppe. Il est, par exemple, formellement interdit de percer les murs extérieurs pour accrocher quoi que ce soit. Nous avons d’ailleurs disposé les espaces de vie pour éviter que ces murs en particulier ne se retrouvent percés.« , explique Véronique Thiery. Par précaution les murs présentent un vide « de sécurité » d’environ 4 cm qui permet de placer des cadres ou une horloge sans risque d’abîmer l’étanchéité à l’air.
Pour éviter la surchauffe, les menuiseries sont munies de stores occultants extérieurs, motorisés et à lamelles orientables. Une grande nouveauté pour la plupart des locataires. Le livret revient là aussi sur l’utilisation de ces stores, afin d’éviter la surchauffe dans le logement et permettre aux locataires de traverser toutes les saisons en bénéficiant du maximum de confort.



PARTENARIAT AVEC L’ENSTIB

Le bâtiment a été équipé de tous les capteurs nécessaires pour mener à bien une instrumentation sur une durée de 3 ans. Cette instrumentation sera menée conjointement avec l’ENSTIB (École nationale supérieure des technologies et industries du bois), située à Epinal.
Cette instrumentation a pour but d’enrichir les connaissances de Vosgelis, de confirmer les projections issues du PHPP mais aussi de pouvoir produire des données utilisables dans de futurs projets de bâtiments performants à coûts maîtrisés.

Découvrez la plaquette qui résume les bonnes pratiques de la vie en habitat passif, réalisée par Vosgelis en cliquant ici.