Rennes : ville pionnière du passif

Il y a un an, Rennes Métropole dévoilait son nouveau Plan Local de l’Habitat (PLH). Un plan quinquénnal qui exige qu’un immeuble passif soit construit pour toute opération d’aménagement comptant plusieurs bâtiments. La mesure s’applique pour la ville de Rennes, mais aussi dans les 43 communes qui composent la Métropole.

Un an après, nous faisons le bilan sur cette mesure unique en France.

© awpa – Alexandre Wasilewski

Les bailleurs sociaux défrichent le terrain

En région rennaise, le premier bâtiment passif est sorti de terre en 2012. Il s’agit d’un centre de loisirs pour enfants, situé en périphérie de la ville. Premier bâtiment passif public pour la Métropole, il ne bénéficie pourtant pas de beaucoup de publicité. En revanche, il attire beaucoup la curiosité. Un bâtiment qui consomme peu, qui demande peu de maintenance et dont les consommations énergétiques sont clairement estimées puis vérifiées sur la durée ? Des arguments qui séduisent beaucoup les bailleurs sociaux. Thomas Primault, du bureau d’études Hinoki témoigne : « L’attrait était très fort pour les bailleurs, qui ont tout de suite voulu tester la construction passive, chacun souhaitait faire bâtir le sien ».

C’est ainsi que les premiers à investir le terrain de la construction passive sont trois bailleurs sociaux de la région, Archipel Habitat, Neotoa et Espacil Habitat.

La ville de Mordelles devient alors l’épicentre d’un phénomène passif.

Fin 2014, le bailleur Neotoa ouvre les portes de sa première résidence collective certifiée, Le Jardin des Frênes.

 

 

© awpa – Alexandre Wasilewski

Archipel Habitat y livre au printemps 2015 un collectif de 26 logements certifié passif, La Levantine, dessiné par Hermann Kaufmann, située dans la même commune.

 

Enfin en mars 2017, c’est Espacil Habitat qui livre la résidence collective Le Mouvement Perpétuel, rassemblant 40 logements, à Rennes. Un bâtiment à double emploi, aussi réussi sur le plan de la performance thermique que sur le plan architectural.

© awpa – Alexandre Wasilewski


La volonté de l’architecte était de dépasser le cliché du bâtiment passif triste. 
Dès son esquisse, très compacte, le bailleur a compris qu’il avait l’opportunité de franchir sereinement le cap de la construction passive.

Chose peu commune en construction passive, le bâtiment est raccordé au chauffage urbain, en raison de la législation locale. Il a fallu donc redoubler d’astuce pour éviter la surchauffe. En collaboration avec le bureau d’études des fluides, l’équipe se décide pour des modules de ventilation qui répartissent uniformément la chaleur.

Un équipement pas toujours facile à comprendre… Pour être sûr de mettre toutes les chances de son côté et d’aider au mieux les locataires à changer leurs habitudes, le bailleur a distribué un livret pédagogique. Jules Rault, le directeur général d’Espacil Habitat explique : « On prépare l’avenir, mais cela a un coût. […] Nous n’avons pas d’autres projets dans l’immédiat, nous allons d’abord faire un retour d’expérience ». Une instrumentation sur 3 ans démarrera en mai. Le bâtiment étant entièrement en béton, le premier été va réchauffer l’enveloppe et la préparera pour affronter le premier hiver.

Le point commun des trois bâtiments évoqués plus haut ? Ils sont précurseurs. En effet, ils ont été mis en œuvre bien avant la publication du Plan Local de l’Habitat en 2015 qui impose de construire et faire certifier passif au moins un bâtiment par nouvelle opération d’aménagement.

Une dynamique bien présente

S’il a été publié en décembre 2015, le PLH ne prend effet que cette année. Pourquoi une telle latence ? Hervé Boivin, du centre Abibois l’explique très simplement : « Le PLH de la métropole a fait l’objet d’une contractualisation sur toute l’année 2016 car chaque commune rattachée à Rennes Métropole doit le ratifier selon ses possibilités et capacités. L’obligation d’avoir un bâtiment passif par opération n’entre donc réellement en vigueur que cette année, car le PLH a fait le tour de toutes les communes ».

Un PLH dont les premiers effets commencent à se voir : les sessions de formation Concepteur Européen Bâtiment Passif données à Rennes se remplissent à vue d’œil. Hervé Boivin témoigne : « Certains se sont inscrits avec un projet passif en tête et d’autres pour se perfectionner car ils travaillent sur un bâtiment passif découlant directement de ce nouveau PLH ».

Le passif mène sa révolution sur d’autres plans, au cœur de Rennes. Frédéric Jan a conçu, en collaboration avec Thomas Bonnin, de l’agence Quinze Architecture, un petit collectif passif en pleine ville qui détonne avec le reste des constructions aux alentours sur plusieurs plans. Déjà, il s’agit d’un bâtiment à ossature bois, une rareté dans la ville. Depuis le grand incendie de 1720 qui a ravagé le centre historique, la ville s’était résolument tournée vers la pierre et, par la suite, le béton. Une donne qui change avec le collectif passif Janime, qui est également la plus haute tour en bois de la région Bretagne. Haut de 5 étages, ce collectif a été monté en 4 jours grâce à des panneaux préfabriqués, en raison de l’étroitesse de la parcelle. Le collectif a dû faire ses preuves auprès des architectes des Bâtiments de France, étant donné qu’il s’est implanté dans une zone classée. C’est la façade qui a longuement été retravaillée afin de satisfaire tous les critères : plus de vitrages au Nord, la paroi du premier étage est décalé en surplomb du rez de chaussée, ce qui permet de créer un jeu et de gagner quelques précieux centimètres d’isolation qui compensent les surplus de vitrage au Nord, les ouvertures au Sud ont été élargies…
Tout ça est loin d’être vu comme un obstacle par Frédéric Jan, qui résume la philosophie de la construction passive : « Plus c’est compliqué, plus on s’amuse à trouver des solutions ».

Une ultime consigne a été à respecter : il ne fallait absolument pas voir le bois ! Le concepteur a trouvé un terrain d’entente en optant pour un bardage de façade à l’aspect minéral, couleur béton… preuve du traumatisme de l’incendie encore présent dans la région.

S’il y a encore quelques frilosités à changer les méthodes de construction, la petite révolution se fait sentir dans les projets. Elisabeth Gonçalves, ingénieure Bâtiment et Énergie au Service Transition Énergétique et Écologique de Rennes Métropole, le souligne : « Notre objectif était également de créer un effet d’entraînement. Les bailleurs sociaux ont été les premiers à prendre le pli du passif mais nous voyons que les promoteurs prennent le relais. Le service Habitat de Rennes Métropole réalise un bilan régulier dit « d’acceptabilité », afin de connaître les éventuels freins à la construction passive et, à terme, de les lever. Ce PLH démarre, et sa montée sera graduelle et se fera en fonction des opérations contractualisées, en sachant que Rennes Métropole accorde son soutien à toute opération publique conçue dans le respect du PLH ».

D’autres projets collectifs poussent dans et autour de Rennes. C’est le cas de la ZAC de l’Octroi et des praires Saint-Martin, deux opérations s’inscrivant dans le PLH à vocation passive, mais aussi de l’opération Les Amis de Max.  Thermicien sur ce projet, Thomas Primault témoigne de la dynamique qui prend racine dans la région de Rennes : « Je suis des projets de 15 à 35 logements, avant je faisais surtout des maisons individuelles passives mais on voit un changement d’ampleur. Je suis lié à près de 70 projets passifs actuellement, même si certains ne sont que des consultations »

Hervé Boivin confirme : « Nous savons que beaucoup de promoteurs ont une réflexion sur la construction passive en cours, même si ces intentions ne sont pas encore officiellement communiquées. Outre cela, nous espérons voir une généralisation du passif à toutes les opérations ! »

Une métropole avant-gardiste

Rennes Métropole a toujours souhaité anticiper les règlementations thermiques dans ses PLH. Dès 2005, son PLH visait à anticiper les enjeux de la RT 2012. C’est le même cas pour ce PLH, actuellement en vigueur, qui a pour objectif d’anticiper la RT 2020. « Notre volonté première est de promouvoir l’innovation et de préparer les acteurs locaux en leur offrant la possibilité de monter en compétences. Nous avons également souhaité concourir pleinement à la transition énergétique et le passif est le plus indiqué pour la maîtrise des énergies« , explique Elisabeth Gonçalves.

Cette volonté d’anticiper la transition énergétique sereinement se traduit également par l’analyse et la promotion de l’expérimentation du  label E+C- dans le but de pouvoir continuer à anticiper la nouvelle règlementation thermique et environnementale. Cette démarche s’explique par la volonté de Rennes Métropole de mettre cette nouvelle règlementation thermique en perspective avec la construction passive, en particulier dans le cadre de l’élaboration actuelle des nouveaux outils de planification urbaine : Plan Local d’Urbanisme Intercommunal, Plan Climat Air Énergie territorial et Plan de Déplacement urbain dans une moindre mesure.

© awpa – Alexandre Wasilewski

Quant à la généralisation du passif à toutes les opérations, ce n’est peut être pas un rêve ! Les instrumentations des différentes opérations passives réalisées par les bailleurs seront décisives dans la pérennisation de cette dynamique. En atteignant leurs objectifs de performance thermique et d’économie d’énergie, ils achèveront de convaincre les bailleurs sociaux de changer leur mode de construction pour se tourner résolument vers le passif.

Les conclusions de l’instrumentation du Mouvement Perpétuel seront publiées en 2019. Nous vous donnons donc rendez-vous au prochain PLH de Rennes Métropole !